l’Entretien Motivationnel

L’entretien motivationnel est une approche de la relation d’aide conceptualisée par William R. Miller et Stephen Rollnick à partir des années 1980. C’est un style de conversation collaboratif permettant de renforcer la motivation propre d’une personne et son engagement vers le changement1. La méthode propose l’exploration chez la personne aidée de son ambivalence, ses motivations et de ses capacités de changement.

Historique

Décrit pour la première fois en 1983 par le psychologue américain William R. Miller, l’entretien motivationnel (EM) a d’abord été une approche d’intervention en addictologie. L’EM a été formalisé dans un premier manuel cosigné par William R. Miller et Stephen Rollnick en 1991, révisé en 2002, puis à nouveau redéfini en 2012. La seconde et la troisième édition ont fait l’objet d’une traduction française.

Miller et Rollnick ont, au début de leur réflexion, emprunté certains concepts au modèle transthéorique de changement de Prochaska et DiClemente, modèle dont ils se sont progressivement séparés depuis. Selon Prochaska (en) et DiClemente, les personnes en prise avec une problématique de dépendance passeraient par une série de stades de changement : précontemplation, contemplation, action, maintien, rechute.

Dans certaines études, les interventions testées d’inspiration motivationnelle (thérapies de renforcement de la motivation) portent sur une à six sessions2. L’approche motivationnelle peut s’appliquer tout au long d’une relation d’aide.

Scientifiquement établis, les entretiens motivationnels montrent certains avantages face à d’autres types interventions auprès des patients. L’EM s’est progressivement diffusé au-delà du secteur de l’addictologie, et est aujourd’hui utilisé dans de nombreux contextes, notamment :

  • dans le champ médical, dans le cadre de l’éducation thérapeutique, du traitement des maladies chroniques, de la diététique.
  • dans le champ social, notamment dans un contexte de prévention
  • dans le champ de l’éducation, pour l’accompagnement des élèves en difficulté
  • dans le champ judiciaire, pour l’accompagnement à la réinsertion après un parcours carcéral

Aspects théoriques

Concepts fondamentaux

La motivation

L’entretien motivationnel perçoit la motivation comme « un processus interpersonnel, le produit d’une interaction entre personnes »5. L’aidant influence favorablement ou négativement la motivation des personnes aidées de par la qualité de ses stratégies d’intervention. Il s’agit de faire ressortir la motivation intrinsèque des personnes aidées.

L’ambivalence

Le médecin et le patient doivent pouvoir parler des points positifs de prendre une substance : détente, plaisir, anxiolyse… L’ambivalence est source d’immobilité. Elle s’oppose aux changements. Le but des entretiens motivationnels est d’abord de faire ressortir cette ambivalence naturelle et de l’explorer en entretien clinique neutre et non directif. Une manière de l’explorer est d’utiliser l’outil de la « balance décisionnelle »6. Le comportement actuel et le nouveau comportement possèdent chacun des avantages et des inconvénients sources de motivations conflictuelles à l’origine d’une ambivalence inhibitrice.

La perception d’inconvénients dans la situation actuelle peut générer une envie de changement. C’est ce qu’on appelle la motivation extrinsèque. Le patient cherche à fuir des situations menaçantes (sanitaires, professionnelles, familiales, etc.). Les avantages de la situation antérieure sont toujours présents à l’esprit et peuvent faire rechuter le patient dans la prise de produit. Les entretiens motivationnels cherchent à susciter une motivation intrinsèque (se sentir bien, estime de soi) en explorant les avantages perçus dans le changement. La motivation extrinsèque va engendrer une demande de changement, la motivation intrinsèque va pérenniser le changement.

Le changement

Les stades de changement sont inspirés du modèle transthéorique de changement et peuvent être décrits de la manière suivante7[réf. incomplète].

  1. Pré-contemplation : Le patient ne pense pas avoir de problèmes avec sa consommation. Il n’envisage pas de changer de comportement, dont il ressent essentiellement les bénéfices.
  2. Contemplation : à ce stade commence à se manifester l’ambivalence. Le patient envisage un changement de comportement mais il hésite à renoncer aux bénéfices de la situation actuelle. On parle alors de balance décisionnelle, qui amène à comparer les pour et les contre d’un changement avec ceux de son comportement actuel. Le patient passe ensuite dans une période ou il est décidé à faire des changements. Cette phase est très labile et difficile à déterminer ; c’est la phase de « décision ».
  3. Action : le changement est engagé vers des modifications de son style de vie. Les difficultés sont importantes. Le soutien et l’encouragement sont nécessaires.
  4. Maintien : à cette phase de consolidation, il convient de rester prudent car les tentations sont nombreuses de retourner au comportement problématique.
  5. Rechute : la rechute est possible et fait partie du processus normal de changement. Ce n’est pas une manifestation pathologique mais un temps peut-être nécessaire à la réussite finale du processus.

Dans cette approche, à chaque stade le thérapeute devrait donc adapter son discours aux représentations du patient sur son comportement problématique, de façon à induire un passage au stade suivant.

Cette description des processus de changement a connu un grand succès, mais a été peu validée et tend à laisser la place à l’approche plus spécifiquement motivationnelle du changement, qui s’appuie sur le renforcement de la motivation par un travail conscient de l’intervenant pour faire émerger puis renforcer le « discours-changement », qui est l’étape préparant sa mise en œuvre.

Esprit de l’entretien motivationnel

L’entretien motivationnel regroupe un ensemble de concepts, méthodes et savoir-faire qui permettent la mise en application de principes éthiques fondamentaux. Ainsi, l’EM repose sur les idées de partenariat, non-jugement, évocation et altruisme.

Le partenariat

L’EM considère la relation entre un intervenant et une personne aidée comme la collaboration entre deux experts : l’intervenant est expert dans son domaine (qu’il soit thérapeute, intervenant social, professeur, etc.), tandis que la personne est experte de sa situation; c’est elle qui connait ses faiblesses et difficultés, ses capacités et ses ressources qui lui seront nécessaires pour évoluer.

Le non-jugement

Le principe de non-jugement est issu de l’approche de Carl Rogers. Il consiste à :

  • porter un regard inconditionnellement positif sur la personne, c’est-à-dire l’accepter telle qu’elle est et croire en sa capacité à évoluer ;
  • être dans une empathie approfondie, c’est-à-dire tenter de faire sien le cadre de référence de la personne, essayer d’envisager la manière dont elle perçoit le monde et sa propre situation ;
  • respecter et soutenir l’autonomie de la personne. Ce principe est la base d’une intervention non confrontante, dans laquelle l’intervenant ne cherchera pas à contraindre l’autre ;
  • valoriser en reconnaissant les capacités et les efforts de la personne.